La fin d’année 2025 marque un tournant pour la recherche Google : la fusion testée entre AI Overviews et AI Mode transforme la page de résultats en une expérience de conversation continue. D’un simple tap sur « Show more » dans un AI Overview mobile, l’utilisateur bascule désormais dans une interface de chat persistante, avec une barre « Ask anything » qui l’invite à continuer à dialoguer plutôt qu’à cliquer sur des liens.
Pour le référencement naturel, cette évolution n’est pas qu’un ajustement d’interface : elle redessine la manière dont la visibilité, le trafic et la valeur d’un résultat organique se construisent. Entre SERP de plus en plus génératives, CTR en chute libre et nouvelle « prime de citation » dans les blocs IA, les SEO doivent repenser leurs objectifs, leurs contenus et leurs KPI pour survivre dans un environnement de recherche « zéro‑clic conversationnelle ».
1. De la recherche aux conversations : ce que change la fusion AI Overviews + AI Mode
Depuis décembre 2025, Google teste officiellement un parcours fluide entre AI Overviews et AI Mode sur mobile. Concrètement, un AI Overview en haut de page n’est plus seulement un résumé ponctuel : en appuyant sur « Show more », l’utilisateur entre dans AI Mode, un chat persistant où il peut poser des questions de suivi, affiner sa demande, envoyer une image ou dicter une requête vocale, sans jamais quitter l’écosystème IA de Google. La SERP se mue ainsi en interface de conversation, où le réflexe n’est plus « chercher / cliquer », mais « demander / discuter ».
AI Mode lui‑même n’est plus un simple laboratoire expérimental. Après une phase limitée aux abonnés Google One AI Premium aux États‑Unis en mars 2025, il est devenu public à partir d’octobre 2025. Alimenté par Gemini (2.0 puis 3 Pro), ce mode accepte des requêtes complexes, multi‑parties, multimodales (texte, image, voix) et propose des réponses structurées avec un fort contexte, enrichies de questions de suivi suggérées. La fusion avec les AI Overviews positionne cette expérience au cœur de Search, plutôt que comme un module séparé.
Cette continuité entre l’Overview et le chat change la dynamique des clics. L’utilisateur obtient un résumé directement consommable, puis peut creuser certains aspects dans le fil IA, sans nécessairement remonter aux résultats organiques sous‑jacents. Pour les éditeurs, cela signifie que la première interaction , historiquement un clic vers leur site , est de plus en plus « capturée » par Google dans sa couche IA. C’est le début assumé d’une SERP où l’IA n’est plus un complément, mais l’interface principale.
2. AI Mode devient le nouveau visage de Search sur mobile
Le redesign mobile de 2025 consacre cette bascule. Google a introduit dans l’app un raccourci AI Mode permanent dans la barre de recherche, remplaçant le micro et Lens. D’un point de vue UX, c’est un signal fort : l’entrée par défaut dans Search n’est plus un champ de requête « classique » accompagné de fonctionnalités annexes, mais un accès direct à une IA conversationnelle. L’objectif est clair : habituer les utilisateurs à formuler des requêtes plus longues, plus narratives, à la manière d’un chat.
L’interface a été optimisée pour encourager ce comportement. Le champ de saisie est placé en bas de l’écran, comme dans les applications de messagerie, avec une indication visuelle du « temps de réflexion » du modèle Gemini. Les liens vers les sources restent présents, mais intégrés à la vue conversationnelle : ce sont des compléments à la réponse IA, plutôt que le cœur de l’expérience. La hiérarchie visuelle se déplace du « top 10 » de liens bleus vers un bloc génératif central et persistant.
Cette priorisation d’AI Mode n’est pas neutre pour le SEO mobile. Elle réduit mécaniquement l’espace mental et graphique réservé aux résultats organiques traditionnels. De plus, l’utilisateur, plongé dans une expérience de type messagerie, développe une forme de « tunnel conversationnel » : il est plus enclin à poursuivre dans le chat qu’à scroller vers des liens externes. Dans ce contexte, la bataille pour la visibilité ne se joue plus seulement en-dessous du pli, mais d’abord à l’intérieur même de l’interface IA.
3. Gemini 3 Pro et Nano Banana Pro : une SERP générative qui écrase les liens
Depuis le 1er décembre 2025, Google a étendu le déploiement de Gemini 3 Pro et Nano Banana Pro dans AI Mode à environ 120 pays, pour les abonnés payants (Google AI Pro, AI Ultra) en anglais. Ces modèles ne se contentent pas de générer du texte : ils produisent des mises en page dynamiques, des infographies, des visualisations et même des outils interactifs directement intégrés dans la réponse de recherche. L’espace au‑dessus du pli devient ainsi une zone riche, multimédia et auto‑suffisante.
Pour le référencement naturel, l’effet immédiat est une densification extrême de la zone IA. Plus la réponse générée contient de graphiques, d’onglets, de comparatifs ou de modules interactifs, moins l’utilisateur ressent le besoin de cliquer sur un site tiers pour compléter son information. La valeur ajoutée des résultats organiques se retrouve compressée en marge de cette super‑réponse, reléguée visuellement en dessous ou à côté d’une interface IA qui semble tout proposer d’emblée.
Cette évolution doit être pensée comme un changement structurel de la SERP, pas comme une simple « feature ». Les modèles Gemini 3 Pro et Nano Banana Pro sont conçus pour capter et retenir l’attention : ils constituent une surcouche éditoriale générative au‑dessus de l’index de recherche. Les liens organiques deviennent des sources alimentant cette surcouche, plus que des destinations primaires pour l’utilisateur. En termes d’acquisition, cela équivaut à une désintermédiation partielle : Google interprète et synthétise avant de renvoyer (éventuellement) l’utilisateur vers les éditeurs.
4. Chute mesurée des CTR : quand l’AI Overview assèche le trafic
Les effets de cette surcouche IA sont déjà visibles dans les chiffres, dès avant la fusion avec AI Mode. Une étude Seer Interactive portant sur 3 119 requêtes informationnelles (25,1 M d’impressions organiques, 1,1 M d’impressions payantes, données 2024, 2025) montre une baisse spectaculaire des CTR quand un AI Overview est présent. Le CTR organique moyen passe de 1,76 % à 0,61 %, soit une chute de 61 %. Côté Ads, la baisse est encore plus brutale : de 19,7 % à 6,34 %, environ , 68 %.
Plus inquiétant encore : même en l’absence d’AI Overview, le CTR organique moyen baisse d’environ 41 % pour se stabiliser autour de 1,62 %. Autrement dit, la tendance de fond de Google va vers moins de clics sortants, quelle que soit la présence ponctuelle d’IA générative. L’AI Overview accentue cette dynamique, en capturant une part significative du besoin d’information dès le haut de la page. Pour les SEO, cela signifie que la simple absence d’Overview n’est plus une garantie de performance.
D’autres analyses confirment cette pression à la baisse sur la visibilité organique. Ahrefs, sur un panel de 300 000 mots‑clés, observe une chute moyenne de 34,5 % du CTR sur la position 1 quand un AI Overview est affiché (par exemple de 28 % à 19 %), avec un impact supérieur sur desktop. Des études UX rapportent même des baisses allant jusqu’à deux tiers du CTR sortant sur desktop dès qu’un Overview apparaît, le mobile étant un peu moins touché mais restant en forte diminution. La fusion de ces Overviews avec AI Mode laisse présager une prolongation de ces tendances, voire une aggravation sur mobile où le chat IA devient central.
5. Diffusion rapide des AI Overviews : l’IA gagne les requêtes informationnelles
La portée des AI Overviews s’élargit rapidement. Selon une étude Semrush/Datos sur plus de 10 millions de mots‑clés, la part des requêtes affichant un AI Overview est passée de 6,49 % en janvier 2025 à 13,14 % en mars 2025, soit un doublement en trois mois. Cette croissance rapide signifie que les cas où la SERP reste entièrement « classique » vont devenir minoritaires sur de nombreux univers de recherche.
La concentration des Overviews sur les requêtes informationnelles est particulièrement significative pour le SEO éditorial : environ 88 % des AI Overviews s’affichent sur ce type de requêtes. Les verticales les plus impactées sont la Science, la Santé, People & Society, le Droit & Gouvernement et le Voyage. Autrement dit, précisément les domaines où les contenus de fond, pédagogiques ou d’expertise constituent le cœur des stratégies SEO de nombreuses marques et médias.
Dans ces secteurs, chaque requête gagnée par un AI Overview correspond à un rétrécissement de l’espace disponible pour les résultats organiques. En combinant cette diffusion avec l’interface conversationnelle d’AI Mode, on assiste à une réorganisation de la chaîne d’attention : l’utilisateur consomme l’essentiel de son parcours informationnel dans le bloc IA, laissant aux sites une fraction résiduelle des interactions , sauf lorsqu’ils arrivent à être mentionnés dans ce bloc.
6. La « prime de citation » : nouveau Graal SEO à l’ère des Overviews
Face à cette érosion globale des CTR, une autre donnée émerge : l’avantage important pour les marques citées dans les AI Overviews. D’après l’étude Seer Interactive, les sites mentionnés dans un Overview obtiennent environ 35 % de clics organiques en plus et 91 % de clics payants en plus que les non‑cités sur les mêmes requêtes. Cette « prime de citation » transforme la logique traditionnelle du SEO : il ne s’agit plus seulement d’être dans le top 3 des liens, mais d’apparaître en tant que source dans la réponse générée.
Les analyses SEO convergent pour considérer la citation dans un AI Overview comme l’équivalent, à l’ère générative, de l’obtention d’un featured snippet. Cependant, la portée est potentiellement plus large : l’Overview devenant le point d’entrée d’un fil conversationnel avec AI Mode, être cité au départ augmente la probabilité que l’utilisateur se réfère à la marque tout au long de son parcours dans le chat. La visibilité se joue alors à la fois en impression (présence dans la réponse IA) et en clic (trafic résiduel qui subsiste).
La conséquence stratégique est claire : les équipes SEO doivent intégrer des objectifs de « part de voix IA » dans leurs roadmaps. Être présent, identifié et cité par l’IA devient un indicateur clé de succès, complémentaire mais parfois plus déterminant que la position organique brute. Cela suppose de comprendre comment Google sélectionne ses sources pour les Overviews : pertinence de la réponse, concision, autorité perçue (E‑E‑A‑T), structuration sémantique et technique des contenus. L’optimisation se déplace du simple « ranking de page » vers la capacité à nourrir et influencer le résumé généré.
7. Vers une SERP « zéro‑clic conversationnelle » : implications concrètes pour le SEO
La convergence entre AI Overviews et AI Mode renforce le phénomène des recherches « zéro clic ». Des travaux cités dans les analyses SGE/AI Overviews estimaient déjà en 2024 que jusqu’à 64 % des recherches ne débouchaient sur aucun clic externe. En ajoutant une interface de chat persistante, Google offre un parcours où l’utilisateur peut clarifier, approfondir et vérifier ses informations entièrement à l’intérieur de la couche IA, sans jamais avoir à quitter la SERP.
Pour le SEO, cela déplace le champ de bataille. Il ne s’agit plus seulement de maximiser le nombre de sessions organiques issues de Google, mais de préserver la valeur des clics restants tout en augmentant la visibilité dans la zone IA elle‑même. Cela implique de raisonner en termes d’impressions dans les blocs IA, de mentions de marque, de présence dans les sources citées, et de contribution perçue à la réponse générée. Les stratégies basées exclusivement sur le volume de trafic brut deviennent fragiles.
Ce contexte impose également une diversification des canaux d’acquisition. Les recommandations des agences et outils spécialisés vont dans ce sens : renforcer la collecte d’audience propriétaire (newsletters, bases CRM), développer la présence sur les réseaux sociaux, travailler le trafic direct via branding et fidélisation, pour limiter la dépendance à Google. Le SEO reste central, mais comme composant d’un écosystème plus large où l’objectif n’est plus uniquement l’acquisition via SERP, mais la construction d’une autorité reconnue par les modèles génératifs.
8. Officiel vs réalité : Google parle « découverte », les chiffres parlent « contraction »
Face aux inquiétudes des éditeurs, Google maintient une ligne de communication optimiste. Robby Stein, VP Product Search, déclarait en décembre 2025 que les fonctionnalités IA de Search restent un « moteur de découverte » générant toujours un volume massif de clics sortants, et que les nouveaux formats élargissent l’usage du web plutôt que de l’étouffer. Dans cette vision, l’IA jouerait surtout le rôle de concierge, orientant les utilisateurs vers les meilleurs contenus tiers.
Cependant, les études indépendantes dressent un tableau moins rassurant. La baisse nette des CTR organiques et payants observée par Seer Interactive, Ahrefs et d’autres acteurs suggère que, même si le volume absolu de clics reste élevé, la part relative captée par les éditeurs se réduit. La densification de la zone IA, la généralisation des Overviews sur les requêtes informationnelles et la montée des parcours « zéro clic » témoignent d’une concurrence directe entre l’interface générative et les sites sources.
Ce décalage alimente un débat de fond sur l’équilibre entre expérience utilisateur et soutenabilité économique du web éditorial. Tant que Google continue de s’appuyer sur les contenus tiers pour entraîner et alimenter ses modèles, il doit maintenir un niveau d’incitation suffisant pour que ces contenus existent et se renouvellent. À court terme, la trajectoire est celle d’une intégration toujours plus profonde d’AI Overviews et AI Mode. À moyen terme, la question sera de savoir si l’écosystème éditorial peut s’adapter sans casser son modèle économique.
9. Repenser la stratégie SEO : du ranking au « share of voice IA »
Dans ce nouveau paysage, les indicateurs historiques du SEO perdent une partie de leur pertinence. Plusieurs agences et outils observent un déplacement des KPI : moins de focalisation sur les sessions organiques brutes, plus sur les impressions, la visibilité dans les blocs IA, les mentions de marque, et la qualité des clics restants (taux de conversion, profondeur de session, valeur business). Le succès ne se mesure plus seulement en trafic, mais en influence et en reconnaissance dans l’écosystème IA de Google.
Concrètement, les recommandations d’optimisation évoluent. Il s’agit de produire des réponses brèves et autoritaires (souvent 40 à 60 mots) qui peuvent être reprises telles quelles dans un AI Overview, d’organiser le contenu avec des titres clairs, des paragraphes synthétiques et des FAQ, de cibler les featured snippets (sources fréquentes des Overviews), et de renforcer tous les signaux E‑E‑A‑T (Expérience, Expertise, Autorité, Fiabilité). L’objectif : être reconnu comme source de référence par les modèles Gemini.
Cette approche nécessite également une collaboration renforcée entre SEO, contenu éditorial et équipes de marque. Il ne s’agit plus seulement d’optimiser des mots‑clés, mais de construire une identité d’expert cohérente sur un ensemble de thématiques, avec des preuves d’autorité (auteurs identifiés, citations, études, données propriétaires). Plus un site est perçu comme fiable et spécialisé, plus il a de chances d’être cité dans les blocs IA, d’alimenter les Overviews et, à terme, de conserver une place visible dans une SERP dominée par l’IA.
10. Utilisateurs divisés, adoption inéluctable : comment ajuster le tir
Un élément souvent sous‑estimé est la réaction des utilisateurs. En 2025, de nombreuses discussions sur Reddit montrent une hostilité marquée envers l’activation par défaut d’AI Mode : certains cherchent activement des moyens pour masquer ou désactiver ce mode via des flags Chrome ou des bloqueurs, même s’il n’existe pas de solution simple côté Google Search lui‑même. Cette polarisation révèle qu’une partie du public n’adhère pas encore à l’idée d’une SERP entièrement médiée par l’IA.
Cependant, cette résistance ne remet pas en cause, à court terme, la trajectoire d’intégration d’AI Overviews et AI Mode. L’historique des produits Google montre que les habitudes finissent souvent par se transformer sous l’effet d’une exposition prolongée et de raffinements UX successifs. D’autant plus que pour beaucoup d’utilisateurs, la promesse de réponses plus rapides, personnalisées et complètes reste attractive, surtout sur mobile où le temps et l’attention sont limités.
Les SEO doivent donc adopter une posture pragmatique : prendre en compte cette polarisation , qui peut offrir des niches de trafic « classique » sur certains segments d’utilisateurs ou de navigateurs , tout en se préparant à un futur où la recherche conversationnelle sera dominante. Cela implique de tester, mesurer et adapter en continu les contenus et les stratégies à la fois pour la SERP traditionnelle et pour l’interface IA, sans parier exclusivement sur l’une ou l’autre.
La fusion testée d’AI Overviews et d’AI Mode marque le passage d’un moteur de recherche orienté « liste de résultats » à une plateforme de conversation continue, où l’IA est à la fois l’interface, l’éditeur et le médiateur d’accès aux contenus. Pour le référencement naturel, cette mutation se traduit par une contraction du trafic brut, une concentration de la visibilité dans la zone IA et l’émergence d’une nouvelle métrique clé : le « share of voice IA », c’est‑à‑dire la part de présence et de citation d’une marque dans les réponses génératives.
Dans ce contexte, survivre , et idéalement prospérer , implique de repositionner le SEO comme un levier d’autorité et de crédibilité auprès des modèles d’IA autant que des utilisateurs finaux. Structurer des réponses courtes et fiables, renforcer l’E‑E‑A‑T, cibler les opportunités de featured snippets, diversifier ses canaux d’acquisition et suivre de près les signaux de visibilité dans les blocs IA deviennent des priorités. L’ère de la SERP « zéro‑clic conversationnelle » ne signe pas la fin du SEO, mais l’oblige à se réinventer autour d’un nouvel objectif : être incontournable aux yeux , et aux neurones , de l’IA qui filtre désormais l’accès au web.