Pendant de très longues années, le monde du travail et de l’entrepreneuriat a toujours voué un culte quasi exclusif à la compétence technique. Historiquement, les compétences non techniques ont été sous-évaluées par de nombreuses organisations. L’idée fausse selon laquelle les études techniques offrent plus d’options d’emploi a conduit à une surenchère générale sur les compétences liées aux STIM (Science, Technologie, Ingénierie, Mathématiques). Fort heureusement, un nouveau paradigme commence désormais à prendre forme.
Ces dernières années, les entreprises et autres organisations en sont venues à valoriser de plus en plus les compétences non techniques. Cela dit, même ceux qui en reconnaissent l’importance peuvent être réticents à consacrer du temps et des ressources à la mise en œuvre.
Mais savez-vous que le fait de ne pas intégrer et développer les soft-skills (compétences skills) présentait des coûts encore plus élevés pour l’entreprise. Voici en quoi les softs skills dont l’empathie en particulier sont indispensables aux entrepreneurs qui réussissent.
Compétences techniques versus compétences générales
Selon vous, qu’est-ce qui compte le plus dans le succès et la performance des équipes ? S’il vous était donné de choisir une super capacité en tant que chef d’entreprise, laquelle serait-ce ?
Il est certain que le fait d’être doué pour gérer les aspects techniques d’un travail ou d’un projet est gage d’une certaine réussite. Mais pour se hisser au sommet, que cela concerne l’intégration dans le cadre du travail ou le leadership, il faut un arsenal de compétences plus difficiles à mesurer mais essentielles au succès.
Encore appelées « compétences générales », les “Soft Skills” sont des comportements, des traits de personnalité et des habitudes, comme l’empathie, la pensée critique, la persévérance ou la communication, qui aident les gens à prospérer au travail. Un chef talentueux peut initier de formidables projets avec des idées innovantes. Mais s’il impose des délais intenables, ne prend pas en compte les contraintes et difficultés de ses collaborateurs, il n’est pas évident qu’il y ait grand monde qui souhaite rejoindre son équipe. Quand bien même il serait le meilleur de son domaine…
Il existe de nombreuses façons dont un manque de compétences non techniques telles que la flexibilité, l’empathie, la gestion du temps et la pensée critique peut faire dérailler un travailleur ou entrepreneur doté de solides compétences techniques. Selon le rapport 2019 de LinkedIn sur les tendances mondiales des talents, 89 % des recruteurs affirment que lorsqu’une embauche n’aboutit pas, cela se rapporte généralement à un manque de compétences non techniques (1).
C’est probablement l’une des raisons qui motivent de nombreux employeurs à accorder, désormais, une importance bien plus grande aux compétences non techniques lors de l’entretien d’embauche.
“J’ai pour habitude de demander aux gens de me parler des défis auxquels ils ont été confrontés ainsi que de la façon dont ils s’y sont pris pour en venir à bout. En règle générale, cela me permet de savoir à qui j’ai affaire”. Elon Musk
Quelles perspectives de développement durable
Alors que les compétences techniques permettent de décrocher un emploi ou de concevoir un projet dans la plupart des cas, ce sont les soft skills qui sont les véritables gages de stabilité et de durabilité.
Monster’s The Future of Work 2021: Global Hiring Outlook (2) a conduit une enquête auprès de nombreux chefs d’entreprise pour identifier les principales compétences qu’ils recherchent chez leurs collaborateurs. Ils ont cité des compétences non techniques telles que l’empathie, la fiabilité, le travail d’équipe/collaboration ou encore la flexibilité.
Par ailleurs, des recherches conduites par l’Université de Harvard, la Fondation Carnegie et le Centre de recherche de Stanford avaient déjà conclu que 85 % de la réussite professionnelle proviennent de compétences souples, non techniques tandis que seulement 15 % seraient le fait de compétences et de connaissances techniques (3). Des statistiques extrapolées à partir du rapport d’étude A Study of Engineering Education, rédigé par Charles Riborg Mann et publié en 1918 par la Fondation Carnegie.
En d’autres termes, cela fait bientôt un siècle que cette vérité a concrètement été démontrée et pourtant on note encore un certain tâtonnement à ce niveau.
L’empathie dans l’entreprise de demain
Aujourd’hui, lorsqu’on aborde la problématique de l’entrepreneuriat dans sa conception moderne, l’empathie est l’une des compétences clé permettant d’optimiser l’expérience client et la gestion des ressources humaines. Nonobstant la feuille de route, les contraintes, les spécificités ou encore le secteur d’activité d’une entreprise.
Elle permet également par ricochet d’augmenter le niveau de confiance que celle-ci inspire dans le cœur des personnes qui y travaillent et des clients. Et lorsqu’on sait que de nos jours ces deux variables deviennent des paramètres de plus en plus importants dans la décision d’achat, il apparaît désormais clair que l’empathie peut également être citée au rang des impératifs de croissance de l’entreprise.
Pour la force de travail, l’empathie est, à bien des égards, un élément d’intégration et de motivation bien plus pertinent que l’argument financier par exemple. Et des niveaux élevés d’intégration et de motivation sont gages de productivité pour l’entreprise. Aujourd’hui, plusieurs enquêtes et études citent l’empathie parmi les compétences managériales du 21ème siècle qui ne peuvent plus être ignorées(4).
En outre, l’empathie est aussi un outil de communication qui harmonise la gestion des ressources humaines en réduisant au maximum les frictions tout le long du processus. Il est tout bonnement impossible d’ordonner la productivité. Bien que la menace d’une sanction ou d’un licenciement puisse donner envie de se battre avec la volonté du désespoir, ce n’est pas une approche durable.
En tant que chef d’entreprise, il est de votre devoir de mettre à disposition de vos collaborateurs le cadre de travail matériel et psychologique leur permettant d’exprimer pleinement leur potentiel.
Certes, il faut reconnaître que le ROI de l’empathie dans les divers processus de production et d’exploitation de l’entreprise est difficile à estimer avec une matrice mathématique. Une difficulté d’estimation qui vient notamment du fait que la notion d’empathie est quelque peu polymorphe et abstraite dans sa mise en application pratique. C’est probablement l’une des raisons expliquant le tâtonnement constaté alors même que les premières conclusions concernant l’utilité des soft skills datent de près d’un siècle.
La question qui se pose est donc la suivante : comment faire preuve d’empathie sans compromettre la rigueur et la discipline au sein de son entreprise ? Ne prête-t-on pas le flanc à la légèreté ?
L’empathie c’est dire “OUI” à tout ?
L’empathie est certes une arme puissante pour bâtir une croissance durable, mais le risque de verser dans le laisser aller est bien réel. Il serait en effet très fâcheux de se retrouver dans la posture du père noël obligé de dire oui à toutes les requêtes par peur de heurter des sensibilités.
Autrement dit, l’empathie ce n’est pas la distribution de cadeaux ou de faveurs à quiconque en fait la demande. C’est un outil de leadership témoignant d’une grande intelligence émotionnelle et permettant de gérer au mieux les différentes personnalités qui composent vos équipes.
Cette faculté vous permet notamment de dire NON ou encore de sanctionner tout en ayant la compréhension et même l’approbation de la personne qui en fait l’objet. L’histoire l’a prouvé à de très nombreuses reprises, l’excès d’autorité conduit presque toujours à la démotivation, le désengagement et l’implosion d’une équipe. Que cela soit en interne ou à l’externe avec des clients mécontents par exemple, l’empathie est un excellent outil de gestion de conflits.
Légitimer le leadership et l’autorité
La meilleure manière de motiver quelqu’un ou d’obtenir son total engagement sur une problématique donnée est de pouvoir aborder la situation de son point de vue. La capacité à pénétrer le référentiel de votre interlocuteur pour exprimer votre propos dans des termes qu’il comprend permet de renforcer la cohésion. Nous éprouvons tous le besoin de se sentir écoutés et pris en compte, surtout dans le cadre professionnel où cela conditionne en partie la perception de soi et la valeur que l’on s’auto-attribue ainsi qu’à son travail. A terme, le fait d’implémenter l’empathie au sein même du fonctionnement quotidien de votre entreprise vous permettra de faire naître dans le cœur des personnes qui y travaillent, un véritable sentiment d’appartenance. L’empathie selon plusieurs études, est un moyen efficace de légitimer l’autorité et le leadership (5).
La figure d’autorité dans l’entreprise d’aujourd’hui, doit certes incarner la fermeté, mais intervenir et gérer les équipes tout en souplesse. Un cadre de travail comme celui-là n’apparaît plus comme contraignant même durant les périodes de fortes sollicitations.
En ce qui concerne la politique commerciale de l’entreprise, l’empathie présente bien des avantages en termes de construction d’image de marque et de création de valeur. Que cela soit dans le cadre d’un litige avec un client ou des associés, l’empathie est un canal efficace pour la construction d’une relation de confiance. C’est un outil qui permet de se présenter non plus comme un antagoniste, mais plutôt comme un partenaire fiable. Par exemple, les entreprises qui revendiquent des engagements de responsabilité sociale ont une image publique plus attrayante et cela se traduit par des retombées positives sur leur chiffre d’affaires (6).
Pour aller plus loin, voici comment communiquer intelligemment et avec empathie avec ses clients en temps de crise ?
Sources :
-
- https://business.linkedin.com/talent-solutions/global-talent-trends
- Monster’s The Future of Work 2021: Global Hiring Outlook
- A Study of Engineering Education, Charles Riborg Mann, pages 106-107
- Holt, S., & Marques, J. (2012). Empathy in leadership: Appropriate or misplaced? An empirical study on a topic that is asking for attention. Journal of business ethics, 105(1), 95-105
- Kellett, J. B., Humphrey, R. H., & Sleeth, R. G. (2006). Empathy and the emergence of task and relations leaders.
- The Relationship between Social Responsibility and Business Performance: An Analysis of the Agri-Food Sector of Southeast Spain